Parmi les arguments souvent avancés par les (ex-)staliniens et les réformistes contre le marxisme, il en est un qui occupe une place particulière : une « révolution mondiale » serait utopique car, nous dit-on, « la révolution ne peut pas éclater dans tous les pays en même temps » ! Un argument imparable ?

Non. D’abord parce qu’aucun théoricien marxiste – ni Marx, ni Engels, ni Lénine, ni Trotsky – n’a jamais pensé ou écrit que la révolution mondiale devait, ou pouvait, être « simultanée ». Ce qu’ils ont tous souligné, par contre, c’est qu'autant la révolution allait nécessairement éclater d’abord dans un pays, autant le socialisme ne pouvait l'emporter définitivement qu’à l’échelle internationale.

Une classe sociale internationale

Sous le capitalisme, l’existence des frontières freine considérablement le développement des forces productives. Le socialisme signifie la planification de la production et l’usage rationnel des ressources – et donc aussi, à terme, la disparition des frontières nationales. En effet, une économie nationalisée et planifiée enfermée dans les frontières d’un seul Etat, aussi gigantesque soit-il, serait forcément limitée. Elle se heurterait à certains des mêmes problèmes qui touchent les Etats capitalistes, sans compter que ceux-ci auraient intérêt à faire disparaître au plus vite ce mauvais « exemple » pour leurs propres travailleurs. C’est ce qu’a bien montré l’expérience de la Russie soviétique. Pour se réaliser pleinement, le socialisme a besoin d’être mondial. Le marxisme rejette donc la théorie (stalinienne) du « socialisme dans un seul pays ».

Mais il y a un autre aspect à cette question. Avec le développement mondial du capitalisme, la classe ouvrière s’est développée sur l’ensemble de la planète. Elle forme une seule et même classe internationale. Un travailleur français a beaucoup plus de choses en commun avec un travailleur allemand, russe ou indonésien, qu’avec les grands patrons français Bernard Arnault ou Martin Bouygues. Et cela a aussi des conséquences politiques qu’ignorent les partisans de « l’impossibilité » de la révolution mondiale, dont le soi-disant « réalisme » sert de couverture à leur manque de confiance dans les capacités révolutionnaires des masses.

Les leçons de l'Histoire

En réalité, une révolution dans un pays sert toujours d’exemple et d’inspiration pour les travailleurs d’autres pays. L’Histoire regorge de preuves de ce phénomène. En 1789 comme en 1848, en 1917 et en 1968, les mobilisations révolutionnaires ont traversé les frontières et mis en mouvement des masses immenses de travailleurs et de paysans, malgré leurs différences de langues, de coutumes ou de religion. Ce fut à nouveau le cas, plus récemment, lors du « printemps arabe ». En 2011, la révolution tunisienne a rapidement gagné tout le monde arabe et une partie de l’Afrique. Mais elle a aussi touché Israël, où des dizaines de milliers de personnes ont manifesté contre l’austérité. En Espagne, le mouvement des Indignés s'en inspirait, comme le mouvement Occupy aux Etats-Unis et les grandes grèves dans le Wisconsin. Ainsi, la « révolution mondiale » n'est pas une hypothèse « utopique » : c'est un fait historique

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