Toute l’économie mondiale s’est brusquement contractée au début de la pandémie. La Belgique a connu alors une des récessions les plus fortes de son histoire. Le produit intérieur brut s’est contracté de plus de 12%.

Inévitablement, après le relâchement du confinement, le troisième trimestre était celui du rebond de la production (plus de 11%) et des échanges commerciaux. Certains y voyaient la confirmation que la reprise allait suivre une courbe en lettre ‘V’ : C'est-à-dire un chute raide suivie d’un sursaut aussi rapide. Ces espoirs se basaient sur une estimation erronée de l’ampleur de cette crise.

Certes, la pandémie et le confinement sévères étaient des chocs extérieurs à la dynamique de l’économie capitaliste. En soi, ils ont fortement désarticulé l’économie internationale. Mais la récession mondiale, résultat de la crise de surproduction, était déjà entamée avant que ne vienne frapper le virus. La pandémie a essentiellement accéléré un processus déjà en marche. Il n’était donc pas suffisant de lever le confinement pour revenir à la situation du mois du début de l’année.

Deux récessions en une seule année

Après quelques mois de croissance rapide, l’économie s’est heurtée aux limites de la crise de surproduction planétaire qui couvait avant la pandémie. La directrice de la Banque Centrale Européenne, Christine Lagarde, avait avertit les plus optimistes au sujet de la reprise en Europe : « elle sera inégale, incertaine et incomplète ». Maintenant avec la deuxième vague son avis est comme une douche froide : « la reprise risque de s’éteindre ». (1)

Les données économiques de septembre (fin du troisième trimestre) sont éloquentes. Avec une croissance du PIB proche de zéro, l’économie belge fait du surplace. La nouvelle vague de l’épidémie et les mesures restrictives qui sont appliquées maintenant vont aboutir à une nouvelle récession, la deuxième cette année. Les patrons les plus clairvoyants sont d’accord pour exclure toute reprise l’année prochaine. Socialement le choc économique du début de l’année a été grandement absorbé par le chômage temporaire. Ce véritable pare-choc social a financé jusqu’à 1,3 millions de travailleurs au chômage. Pendant cette période, l’économie belge a été mise sous cloche empêchant dans une très grande mesure les fermetures et les licenciements collectifs.

D’une certaine façon, le chômage temporaire, en étant une mesure ‘interventionniste’, à suspendu les lois du marché pour éviter une catastrophe sociale et une possible révolte sociale. Selon l’étude du spécialiste de l’assurance-crédit Atradius, ces mesures ont évité une augmentation de 108% du nombre de faillites en Belgique. C’est un indice de la fragilité sous-jacente de l’économie belge. Dans d’autres pays européens, ce pourcentage est inférieur. Malgré ce gel artificiel des faillites, les licenciements collectifs reprennent de plus belle. Au moment d’écrire cet article, on assiste au 73ème plan de licenciements collectifs depuis le début de l’année. C’est plus qu’en 2019. Le troisième trimestre a connu 35 plans de licenciements, le chiffre le plus élevé depuis 2016. Selon le directeur de la Banque Nationale, Pierre Wunsch, il y aura 84.000 travailleurs en moins dans le secteur privé avant la fin de l’année.

Un hiver socialement rude

Les secteurs les plus touchés pour l’instant sont l’Horeca, le catering, l’événementiel, la culture, le transport lié au tourisme et les loisirs. Ce sont surtout des travailleurs peu qualifiés, dans des emplois précaires, des femmes et des jeunes qui sont les plus visés. Mais la vague de licenciements s’étend aussi au secteur de l’alimentation, des technologies, de la construction métallique et d’autres. Le nombre de licenciements risque de grossir en fin d’année et surtout l’année prochaine. Tôt ou tard, les mesures de chômage temporaire vont prendre fin. Les obstacles à une grosse hémorragie d’emplois seront ainsi levés. L’hiver risque alors d’être rude, très rude du point de vue social.

Lutte des classes vs concertation

Nos syndicats ne sont pas préparés à ce qui nous tombe dessus. Tout d’abord, ils sous-estiment fortement la crise du capitalisme. Ils s’imaginent que l’économie de marché retrouvera rapidement son équilibre et sa croissance. Ensuite, trop de responsables syndicaux ne jurent que par la concertation, c'est-à-dire la croyance en une conciliation entre les classes sociales opposées. Un manuel publié récemment par la ABVV Metaal (syndicat socialiste flamand de la métallurgie) est révélateur de cette attitude. Il s’agit d’un guide pour les délégués en cas de restructuration. Bien conçu du point de vue technique, ce document mise totalement sur ‘les règles du jeu’ existant entre patrons et syndicats pour ‘limiter les dégâts’. Ce qui manque surtout dans ce document est une stratégie de lutte. Les mots ‘grève’, ‘lutte’, ‘rapport de force’ (et donc aussi ‘changement des rapports de force’), ‘assemblée générale’, ‘contrôle ouvrier’ et autres concepts de base de la lutte de classe n’y apparaissent jamais. La premier principe qu’il faut établir, c’est que les travailleurs ne doivent pas payer la facture corona. Cela nécessitera une attitude offensive et non défensive de la part des syndicats, aussi bien dans les revendications que dans les méthodes de lutte. La réduction immédiate des heures de travail à 32 voire 30 heures par semaine et sans perte de salaire pour contrer les pertes d’emploi doit figurer en première place (comme le demandent les syndicats chez Audi et TAC Herstal). Si les patrons prétendent ne pas avoir assez d’argent, exigeons d’accéder à leur vraie comptabilité. On pourra découvrir ce qu’ils ont fait pendant des années avec les profits amassés avec notre travail. Si une entreprise menace de mettre la clé sous le paillasson, exigeons sa nationalisation sous contrôle ouvrier. Parmi les méthodes de luttes, c’est la grève et l’occupation qui doivent être réhabilitées. Le mouvement syndical doit élargir son horizon de lutte. Il ne s’agit plus de réparer la machine du capitalisme. Elle n’est pas réparable. Notre horizon doit être celui d’une transformation socialiste de la société.

1) https://www.euronews.com/2020/10/19/europe-s-recovery-uncertain-amid-covid-19-second-wave-says-ecb-chief-christine-lagarde