La naissance du mouvement communiste remonte aux écrits de Karl Marx et à la publication du Manifeste du parti communiste en 1848. Ce texte a été écrit dans les rues d'Ixelles quand la classe ouvrière était encore dans les limbes et sans puissantes organisations. Mais à l'époque, Marx faisait preuve d'une extraordinaire clairvoyance en traçant la direction que le mouvement ouvrier allait prendre.
L’auteur du Manifeste appelait les travailleurs de tous les pays à l'unité. Les conditions de vie des travailleurs dans le pays où il vivait étaient marquées par la dépravation et l'absence d'organisation efficace, et sans véritable « parti communiste ».
Cependant, Marx n’était pas un empiriste et n’appréhendait pas la situation « telle qu'elle était ». Les tendances lourdes à l’œuvre dans la société ne lui échappaient pas. Il tire des conclusions sur le fonctionnement du capitalisme et sur l'évolution de la classe ouvrière. A ces côtés se trouvait Lucien Jottrand, président de l'Association démocratique belge, dont Karl Marx était vice-président. Défenseur du suffrage universel il représentait le républicain typique avec lequel les premiers socialistes devaient partager leurs plates-formes politiques. Une période de clarification et de formation d'organisations ouvrières allait s’avérer nécessaire.
Dans les années 1840 et 1850, il y avait très peu de communistes ou de socialistes en Belgique.
Les travailleurs étaient confrontés à une industrialisation croissante et à l'expansion du capitalisme. Pour éviter toute auto-organisation des travailleurs, les capitalistes belges appliquaient les pires lois draconiennes. C'est dans d'autres types d'organisations, comme celles de la « libre pensée », que les socialistes sont en mesure de tisser des liens pour les étapes futures. C'est aussi dans les années 1850 avec la scission du groupe de l'Affranchissement et la création de la société de libre pensée Solidaires que l'on voit apparaître la première division entre réformistes et révolutionnaires dans les rangs des alliés de la classe ouvrière, classe elle-même confrontée à plusieurs ennemis : l'Etat, l’Église et le patronat.
Dans son livre sur les origines du mouvement socialiste Marcel Liebman explique comment « De 1830 à 1860, quelque 1600 travailleurs sont poursuivis pour faits des grèves, etc. parmi eux, presque un millier condamné à des peines de prison, quelque cent cinquante à des peines d’amendes ». Une politique visant à décapiter tout mouvement en mettant toute la pression sur les dirigeants et les ouvriers les plus conscients.
Pourtant, des vagues de grèves spontanées s’étalant sur trois décennies ont permis à une génération de construire les bases pratiques et théoriques pour développer les premières organisations ouvrières. Celles-ci, se sont rassemblées à l'occasion de la création de la Première Internationale, dans laquelle Marx et Engels ont à nouveau joué un rôle majeur.
Les éléments ouvriers utilisent de plus en plus le terme socialiste. Au moment de la création de la Première Internationale, même les éléments le plus révolutionnaires utilisent plutôt le terme socialiste (ou social-démocrate) que communiste. C’est après la révolution russe de 1917 que le terme « communiste” est adopté par l’aile gauche révolutionnaire du mouvement ouvrier.
La Première Internationale
Créée à Londres en 1864, elle a été le point de convergence de nombreuses organisations mutualistes, de syndicats, de sociétés socialistes et d'autres groupes pour se fédérer et construire la première organisation internationale de travailleurs. Rétrospectivement, on peut dire que la tâche historique de la Première Internationale a été d'établir les grands principes, le programme, la stratégie et la tactique du marxisme révolutionnaire à l'échelle mondiale. Cependant, la nouvelle Internationale n'est pas née complètement formée. En Belgique, elle a rassemblé toutes les tendances existantes : les Proudhoniens, les saint-simoniens, les syndicalistes, les libres penseurs et les communistes... et crée ainsi les bases de l'organisation future.
Des événements comme le mouvement en faveur du suffrage universel et l'amélioration des conditions de travail ont été le ferment de ce nouvel outil.
La défaite de la Commune de Paris porte un coup fatal à la 1ère internationale. L'orgie réactionnaire qui s'ensuit rend impossible son fonctionnement en France, et partout l'Internationale est persécutée. Mais la véritable raison de ses difficultés est à rechercher dans l’essor économique du capitalisme à l'échelle mondiale qui a suivi la défaite de la Commune. Celle-ci a eu un effet négatif sur l'Internationale.
Mais l’internationale laisse une trace politique très importante. Une des principes du Manifeste Communiste de 1848 imprègne les travaux de la 1ère internationale et aussi des groupes ouvriers qui donneront vie au Parti Ouvrier Belge.
« Dans les luttes nationales des prolétaires des différents pays, ils soulignent et mettent en avant les intérêts communs de tout le prolétariat, indépendamment de toute nationalité ». . Dans les diverses phases de développement que doit traverser la lutte de la classe ouvrière contre la bourgeoisie, ils représentent toujours et partout les intérêts du mouvement dans son ensemble. »
Dans ce sens les idées communistes ne sont pas étrangères à la classe ouvrière belge dans la mesure ou notre pays a toujours fait partie du marché mondial et du capitalisme et les organisations ouvrières se sont attachés à des tendances révolutionnaires ou réformistes existant dans d’autres pays mais aussi au sein de la 1ère (et aussi 2ème internationale).
Formation du POB
C'est dans ce contexte que le POB (Parti Ouvrier Belge) est créé en 1894 en tant que fédération des nombreuses sections qui ont suivi l'existence des associations de travailleurs affiliées à la 1ère Internationale. De part et d'autre du pays, des groupes se sont constitués à partir de la défunte 1ère internationale. En peu de temps, elle voit ses rangs grossir et se mobilise rapidement pour le suffrage universel après la grève générale de 1893. Cette action d’envergure a montré à tous les socialistes la nécessité d'une organisation centralisée. Cette organisation est créée près de Mons où la mobilisation de 1893 était plus avancée.
Le nouveau parti rédige un manifeste politique appelé la Charte de Quaregnon qui contient des déclarations comme par exemple : ‘La réalisation de cet idéal est incompatible avec le maintien du régime capitaliste qui divise la société en deux classes nécessairement antagonistes : l'une, qui peut jouir de la propriété sans travail , l'autre, obligée d'abandonner une part de son produit à la classe possédante.’
Ces principes, bien que sous une forme vague, reflétaient les exigences du Manifeste communiste de 1848 et les principes fondateurs de la 1ère Internationale.
Mais le fait que le parti se soit développé pendant une période d'essor du capitalisme (de 1871 à 1914) a créé les conditions pour que les éléments non réformistes du parti soient lentement mis à l'écart et que la direction de l'organisation se range du côté de la bourgeoisie libérale.
Grèves Générales
À plusieurs reprises, le POB lance des appels à la grève pour des raisons économiques ou politiques, comme en 1891, lorsque 100 000 mineurs du Borinage abandonnement leurs outils. Le mouvement de grève le plus important pour des raisons politiques est certainement la grève générale de 1893. Il s’agit sans doute du point culminant de l'essor révolutionnaire de la classe ouvrière européenne, avant la révolution russe de 1905. La grève a duré une semaine, du 12 au 19 avril, et la direction de ce qui deviendra le POB a été dépassée par le mouvement de masse et l'aile gauche du parti, ce qui a poussé Emile Vandervelde, César De Paepe et d'autres dirigeants à se mettre d'accord sur la composition du vote plural.
En 1902 et 1913, le POB a de nouveau utilisé l’outil de la grève générale de manière bureaucratique. Mais l’action de la classe ouvrière ne se commande pas comme on ouvre ou referme un robinet. Utilisé comme un outil pour mettre les bourgeois libéraux sous pression, la grève générale manque de cette façon totalement d’énergie révolutionnaire. Cette usage de la grève générale, a été fortement critiquée par Rosa Luxembourg dans une série d’articles virulents adressés à Emile Vandervelde, le ‘patron’ du POB.
Le fait que le POB ait pu obtenir des miettes tombées de la table grâce aux avantages d'un immense empire colonial a donné une force à l'aile réformiste du parti isolant les éléments révolutionnaires. Il a pu ainsi ignorer certains de ses propres principes fondateurs de la Charte de Quaregnon. Un même processus s’est déroulé en France en Grande-Bretagne et en Allemagne. Les conséquences de cette situation se sont fait sentir tragiquement en 1914.
L'indication la plus évidente de la lente dégénérescence politique de la direction du POB était peut-être le peu de dénonciation des conditions du colonialisme belge. Bien que le parti soit formellement opposé à l'oppression des peuples colonisés, l'aile réformiste a lentement blanchi la bourgeoisie et la monarchie belges afin d'obtenir des avantages politiques à court terme. Ceux qui, plus tard, allaient créer le Parti communiste belge étaient aussi ceux qui étaient plus cohérents dans la dénonciation de l'impérialisme et du colonialisme.
Première guerre mondiale
Bien que tous les partis de la IIe Internationale, fondée en 1889 et héritière de la Ière Internationale, aient déclaré que si une guerre impérialiste était déclarée, ils appelleraient tous à une grève générale pour arrêter la guerre, la guerre s'est poursuivie avec le soutien des différents partis ouvriers à leur propre gouvernement. À cet égard, le POB n'était pas différent et s'est rangé du côté des bourgeois belges et de l'Entente (l’alliance impérialiste de la Grande-Bretagne, la France et la Russie). Certains membres du parti s'y opposent, mais cette opposition ne se cristallise sous une forme organisée qu'à la fin de la guerre et à la suite de la révolution russe.
Les Jeunes Gardes Socialistes (organisation des jeunes du POB) de Gand, Bruxelles, Anvers et d'autres villes font une première tentative de création d'un nouveau parti. Ces jeunes organisent une revue, « De Internationale », dont le principal organisateur est War Van Overstraeten. Dans le parti plus « ancien », Joseph Jacquemotte crée un groupe autour du journal « L'Exploité » qui compte environ 500 personnes.
Après le deuxième congrès de la IIIe Internationale, les différents groupes se regroupent au sein du Parti Communiste Belge (PCB) nouvellement créé.
Le nouveau parti communiste belge est fondé en 1921 avec un peu moins de 1000 membres. Par peur de l’extension de la révolution russe une partie des revendications sociales du POB sont réalisées. La capitalisme engage des réformes sociales ‘par le haut’ pour éviter une révolution ‘par le bas’.
Très peu de temps après la création du parti et dans un contexte de rôle croissant du POB et des syndicats dans la gestion du capitalisme, le jeune PCB subit une dure répression. Suite à l'occupation belge et française de la Ruhr (régions industrielle en Allemagne), des dizaines de dirigeants et de membres du PCB sont arrêtés et une campagne de diffamation contre le parti commence.
Le PCB souffre, comme les partis communistes de l'époque, de tendances d'ultra-gauche qui refusent entre autre de participer aux élections. Ces divisions affaiblissent la capacité d'action du parti. Malgré cela, lors des premières élections, il obtient 2 députés en 1925.
À partir de ce moment, le PCB connaît une trajectoire similaire à celle de nombreux partis communistes. Il connaît une période de « bolchevisation », puis la dégénérescence de la période stalinienne à partir de la fin des années 20, lorsque la majorité du parti est exclue pour trotskysme. Une partie de la direction, soutenue par Moscou, organise toutes sortes de manœuvres bureaucratiques pour pouvoir expulser ceux qui s'opposent à la ligne de l'Internationale, tout en faisant naître les différents groupes qui soutiennent l'opposition de gauche en Union soviétique.
Après l'expulsion des partisans de Trotsky, ceux-ci ont créé une série d'organisations relativement performantes. Les partisans du Trotsky en Belgique avaient une solide base ouvrière et étaient entre autres bien implanté parmi les mineurs en Wallonie. Cela leur a permi de jouer un rôle relativement important dans les grèves insurrectionnelles de 1932 dans le Borinage.
Localement ils ont aussi remporté quelques succès électoraux. Le manque de clarté politique par contree a rendu les nouveaux partis issus de l’Opposition de Gauche internationale incapables de saisir les opportunités présentés par la situation. Pendant la période du Front Populaire en France et d’autres pays les groupes trotskystes sont isolés. Pendant l’occupation nazie, la plupart de leurs dirigeants ont été physiquement anéantis. La disparition physique d’une génération de communistes révolutionnaires a été une tragédie pour le mouvement communiste en Belgique et internationalement.
Après la seconde guerre mondiale, le PCB officiel a été aspiré par le gouvernement (une coalition avec les libéraux), tandis qu'une nouvelle direction inexpérimentée des communistes révolutionnaires a pris en charge le mouvement trotskyste en Belgique et à l'étranger, qui n'a pas compris l'essor de l'après-guerre, isolant le mouvement trotskiste pendant longtemps.
La tache pour les communistes aujourd’hui est d’apprendre de plus de 150 ans d’histoire dans le mouvement ouvrier pour construire l’outil révolutionnaire nécessaire.