Entretien avec Martin Willems, permanent SETCa BHV licencié.

manif_setca.jpg« Nous sommes prêts à reprendre notre travail de perent dès demain »


Rarement un travailleur ‘au chômage’ n’a été aussi actif… Martin Willems, permanent SETCa licencié par la direction fédérale du SETCa n’est pas du genre à baisser les bras. Ses autres collègues permanents du secteur ‘Industrie’ non plus. Qu’est-ce qui les motivent ? Tout d’abord la mise à mal de la démocratie syndicale.  L’autre enjeu est le risque de banalisation du licenciement pour ‘faute grave’. Martin et des dizaines de délégués syndicaux sillonnent maintenant la FGTB offrant un autre son de cloche au sujet des cinq licenciements. Un comité de soutien ‘Reintegration Now’ s’est aussi constitué. Après quatre mois de lutte, voilà le moment venu d’un bilan.


Votre réintégration est une demande qui unit de très nombreux délégués dans l’industrie de BHV. Mais après les premières émotions suscitées par votre licenciement brutal et la décapitation du secteur votre lutte semble avoir pris un tournant plus discret.


Martin Willem : « Il est vrai que l’émotion est un peu retombée autour de notre affaire mais soyez rassuré : notre combat dure toujours. Nous nous sommes rendu compte qu’il s’agissait d’un combat de longe haleine visant à gagner les consciences au sein de toute la FGTB et même des autres syndicats.  Concrètement, nous nous rendons à toutes les réunions de formation de la FGTB, également aux réunions des exécutifs des autres régionales du SETCa, on va même au congrès des autres centrales. On distribue des tracts aux manifestations et on y touche des militants aussi d’autres syndicats.  Notre message consiste à dire qu’il ne s’agit pas d’une querelle entre personnes dans une centrale mais d’une question de démocratie syndicale. Je sais que la démocratie syndicale peut difficilement être parfaite. Mais dans notre cas on touche à une question fondamentale : les permanents sont élus par la base et ne peuvent être démis que par la base.  La démocratie syndicale implique que la direction nationale ne peut pas annuler des assemblées syndicales, ne peut pas annuler des réunions des exécutifs et ne peut pas non plus annuler des congrès. Dans la FGTB et dans n’importe quel syndicat, la base doit en fin de compte décider de tout. Dans notre cas la base n’a pas été consultée.


Un autre enjeu est le risque de banalisation du licenciement pour faute grave. C’est une question qui concerne tout les délégués. Tous se sentent menacés.  Une opinion divergente est considéré par la direction fédérale du SETCa comme une ‘faute grave’. Nous sommes ici en plein ‘délit d’opinion’. La critique positive dans l’organisation est ainsi transformé en ‘obstruction’ ou ‘atteinte à l’honorabilité du président’. Nous n’agissons pas à la Cour de Versailles, mais dans un syndicat. Dire qu’on n’est pas d’accord avec quelque chose n’est pas une atteinte à l’honorabilité. Utiliser de tels concepts pour justifier le licenciement pour faute grave c’est prendre le risque que demain les patrons utilisent les mêmes prétextes pour licencier les délégués. Les délégués critiques risquent ainsi d’être rapidement taxés d’obstruction ou d’atteinte à l’honorabilité du patron. La menace de licenciement pour faute grave, leur pendra alors au nez. Plus aucun travail syndical n’est alors  possible.


Les échos de notre travail d’explication au sein de la FGTB sont très positifs. Notre campagne fait que l’on ne nous oublie pas. Les militants réagissent avec moins d’émotion. On sait aussi que notre affaire n’est pas le premier souci des militants mais ils sont de plus en plus nombreux à être au courant. Avant tout ils veulent une solution.  On est prêt à mener la lutte longtemps. Le comité qui nous soutient continue à nous soutenir. On n’a pas beaucoup de choix, car c’est un combat important pour le syndicalisme.


Notre licenciement révèle des faiblesses dans l’organisation syndicale. Ces faiblesses peuvent dans l’avenir se retourner contre l’organisation syndicale sur des sujets politiques bien plus importants. Donc cela pose les bonnes questions au bon moment. Si un syndicat se divise ainsi et prend des décisions aussi absurdes que cela sur un problème immobilier, qu’est ce que cela sera demain sur une question aussi grave que la scission de la sécurité sociale. Il nous faut un syndicat fort et pour cela il doit être capable de résoudre ses problèmes internes avant de pouvoir s’attaquer aux problèmes essentiels du jour. »


Nombreux sont les exemples du bon accueil des militants FGTB à leur campagne d’explication.


« Tout d’abord, quand on discute avec des militants on se rend compte qu’ils sont contents d’entendre un deuxième son de cloche. La stratégie de l’appareil a été de nous étouffer et de nous empêcher de nous exprimer, pour que les militants n’entendent qu’un son de cloche. L’appareil leur donne une impression très subjective de notre affaire. Nous sommes présenté comme ‘un problème qu’il était urgent de régler’. Après nous avoir écoutés, les militants jugent souvent que la situation ne mérite certainement pas les décisions de licenciement prises à notre égard. En général les militants nous font un bon accueil. Un exemple. Récemment nous nous sommes rendus à la réunion de l’exécutif du SETCa dans la Brabant Wallon.  On a demandé d’être entendu une quinzaine de minutes. Finalement il y a eu un vote à ce sujet, six ont voté pour  et  six s’y sont opposés. Le secrétaire régional a alors décidé de ne pas nous inviter à la réunion. Malgré l’avis du secrétaire la moitié de l’exécutif voulait nous écouter. C’est un signe très encourageant. Les réactions ne vont que dans le sens positif.On espère ainsi aller bientôt aux réunions de l’exécutif du SETCa à Namur, Anvers et Liège. »


Et le soutien dépasse les frontières de la seule centrale des employés.


« La centrale des métallurgistes de Bruxelles nous soutient également. Il est aussi question d’un courrier d’appui au niveau de toute la fédération Bruxelles et Wallonie. Les métallos regrettent la banalisation de la ‘faute grave’, soulignant la menace que cela représente contre tout les syndicalistes. Ils demandaient aussi que les licenciements des 5 permanents ne se concrétisent pas. La CGSP Enseignement et la CGSP ALR de Bruxelles aurait voté des motions dans le même sens. On a également des contacts assez positifs à la Centrale Générale et à l’Alimentation (Horval). »


Pourquoi insister vous tellement sur la question de la démocratie syndicale ?


Martin Willems : « C’est clairement aussi une question de démocratie syndicale qui est en jeu. On ne peut pas vouloir se prononcer sur le fond ou prétendre qu’il s’agit d’un problème local. Mais la manière employée pour régler le problème est simplement inacceptable. Notre mandat de permanent nous le tenons de la base. C’est clairement inscrit dans les statuts du SETCa en accord avec les principes de la FGTB qui dit que tout le pouvoir émane de la base. La FGTB est une organisation où tout part de la base et monte vers le haut et non l’inverse. Ce n’est pas comme dans les entreprises  ou le ‘top down’ remplace le ‘bottom, up’ ! Voici quelque chose de très  important et qui nous distingue sensiblement de la CSC. Les permanents ne doivent pas être désigné par le sommet du syndicat mais par la base. Les permanents ne sont pas là pour imposer une politique syndicale mais pour supporter la base. Si nous avons des permanents désignés par les sommets de notre organisation se sera ce même sommet qui en fin de compte déterminera la politique syndicale et non la base militante. Les cinq permanents syndicaux ont été élus par la base et la base est donc seule à pouvoir nous révoquer si elle le souhaite.  Si on a des fautes à nous reprocher c’est l’assemblée des militants de l’industrie qui doit en être informé. Ensuite cela doit passer par le comité exécutif qui selon les statuts peut révoquer un permanents avec deux tiers des voix. Dans certains cas un congrès est nécessaire pour décider du licenciement d’un permanent. Dans notre cas concret il aurait été très facile d’appliquer la procédure démocratique. Nous avons été licenciés le 3 septembre. Une assemblée des militants Industrie était prévue pour le 17 septembre et un congrès le 24 du même mois. Mais au lieu de passer par ces assemblées, la direction du SETCa a décidé d’annuler ces assemblées.  Cela nous ne l’acceptons naturellement pas. Il est très important pour cela que la base reprenne le pouvoir qui lui appartient. »


Il se murmure que le tribunal de première instance vous aurait débouté et donné raison à la direction fédérale du SETCa…


Martin : « Un bon nombre de militants de la section BHV ont interpellé le tribunal parce que le SETCa n’avait pas respecté les statuts. Ces militants s’opposaient à la décision d’annulation du Congrès de la régionale et exigeait qu’il puisse avoir lieu avant le congrès fédéral. Le tribunal ne les a pas suivi mais n’a nullement donné raison au ‘fédéral’. Le tribunal a simplement déclaré que les personnes qui ont introduit cette demande n’avaient pas d’intérêt personnel à agir. Il n’a pas été plus loin. Il n’a pas examiné le fond des demandes. Le tribunal n’a donc  pas donné tort ni raison à aucune des parties. Les juges n’ont donc pas dis que les statuts ont été respecté ou que les dirigeants du syndicat avaient droit de supprimer le congrès, ni de licencier les permanents sans respecter la procédure prévue par les statuts.»


Votre licenciement a décapité le secteur Industrie du SETCa à Bruxelles Halle Vilvorde. Comment fonctionne le secteur maintenant ?


Martin : « Le secteur industrie du SETCA n’a plus de vie. L’assemblée Industrie ne s’est plus réunie depuis notre licenciement. Il vit tant bien que mal dans les sections d’entreprises sans les cinq permanents qui les ont soutenus pendant des années. Le ‘fédéral’ leur propose des permanents de remplacement qui ont déjà leur propre secteur à suivre. La plupart des sections d’entreprise maintenant se débrouillent toutes seules ou avec des permanents d’autres syndicats. Il existe aussi un grand dégoût parmi les délégués. Ils se rendent compte qu’ils n’ont pas été consultés, leur engagement syndical n’est pas reconnu et on les considère comme quantité négligeable. »


Est-ce qu’il y des pressions à l’encontre des délégués qui continent à vous soutenir ?


Martin : « Certainement. Les délégués qui se sont mouillés dans notre affaire n’ont pas pu participer au congrès fédéral. Dans d’autres cas les menaces sont encore plus directes. Certains se sont entendus dire qu’en cas de grève on n’introduira pas de préavis de grève et on ne paiera pas les indemnités de grève. C’est aussi parfois plus mesquin. Pour pousser les délégués à une reconnaissance implicite des nouveaux permanents les délégations syndicales sont obligés de venir chercher chez eux les agendas 2011 ! De même avec toute autre documentation syndicale. Tout ceci est extrêmement dénigrant pour l’engagement syndical des militants. »


Imagine-toi devant un congrès de la FGTB. Qu’est ce que dirait aux militants présents ?


Martin : « J’expliquerai qu’il ne s’agit pas simplement du sort de 5 personnes. Une question importante de principes est en jeu. Les membres de la FGTB, tout les membres doivent  réfléchir comment on fait vivre le pouvoir de la base dans notre organisation. Il existe une tension entre l’appareil et la direction nationale qui gère le quotidien et la base qui est sensé détenir le pouvoir politique. La direction syndicale vit tous les jours en contact avec les patrons avec les politiques.  C’est normal donc – ce n’est même pas une trahison - alors qu’ils aient  une tendance naturelle à trouver des solutions avec le système. Fatalement ils ne peuvent pas être dans une logique de confrontation permanente. Quand on discute tout les jours avec le monde patronal et avec les représentants de l’état on ne peut pas se mettre dans une attitude antagoniste. Or la FGTB est basé sur la reconnaissance d’un vrai antagonisme. On ne cherche pas la collaboration, on ne cherche pas le dialogue social. On fait vivre en permanence l’antagonisme entre le monde du travail et le monde de la propriété privé, le monde capitaliste. Cet antagonisme vit à la base. Pour des raisons concrètes il ne peut pas être vécu par l’appareil. Si la base ne rappelle pas toujours la persistance de cet antagonisme, sa volonté de changer le monde, l’appareil finira fatalement de l’oublier. C’est le rôle de la base de rappeler à l’appareil qu’il est le porte parole de la base et non l’inverse.
Je ferai surtout savoir que les militants SETCa de Bruxelles Halle Vilvorde veulent que l’on revienne. Nous, les permanents licenciés, sommes tous prêt, demain, de reprendre le travail avec notre conviction syndicale. »


Plus d’info également sur : www.reintegrationnow.be

 

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