Cet été n'a pas été calme pour beaucoup de syndicats en Europe ni pour des milliers des travailleurs des secteurs liés au tourisme et à la nouvelle économie. Les conflits sociaux se terminent de moins en moins avant l’été : bien au contraire, pour des millions de travailleurs mal payés, exploités et souvent précaires, cette période constitue leur pic d’activité et est donc la plus propice à un arrêt de travail.

On a vu des travailleurs de Ryanair en grève dans 6 pays européens, les salariés d'Amazon dans 4 pays, de même que les travailleuses (des femmes, en très grande majorité) des maisons de retraite en grève en Espagne, en France et en Allemagne. Une caractéristique de ces mouvements contre des multinationales plus ou moins connues (Ryanair, Amazon, Orpea) c'est que, pendant des années, les syndicats n'ont pas pu s'organiser au sein de ses groupes.

Chez Ryanair

Alors que Ryanair veut imposer le droit social irlandais, moins favorable aux travailleurs, à l’ensemble de ses employés européens, les syndicats du personnel de cabine de 4 pays (Espagne, Portugal, Italie, Belgique) ont déposé un préavis de grève commun pour les 25 et 26 juillet. La grève a été une grande réussite pour une entreprise publiquement opposée aux syndicats et sans tradition de lutte. Les organisations syndicales réclament le respect du droit social de chaque pays, l’égalité de traitement entre le personnel sous contrat Ryanair et celui embauché par les sous-traitants Crewlink et Workforce, ainsi que la reconnaissance des organisations syndicales. De la même manière, les pilotes de la compagnie aérienne « low cost » Ryanair, basée à Dublin, ont entamé une grève en Irlande, Belgique, Suède, Pays-Bas et en Allemagne pour exiger des améliorations de leurs conditions de travail, ce qui a obligé la compagnie à annuler 400 vols en Europe sur les 2 400 programmés.

Le 'modèle Ryanair' consiste à payer les salaires les plus bas et à promouvoir les conditions de travail les plus indécentes du secteur aérien en Europe. Il représente depuis des années la référence en matière de réduction des salaires et des avantages sociaux dans le secteur de l'aviation. La grève a montré qu'on ne peut pas écraser les travailleurs à l'infini sans avoir une réponse « traditionnelle » : une grève pour améliorer ses conditions de travail (et de vie). Une grève qui ouvre les portes à l'organisation de milliers de travailleurs dans un secteur en expansion économique.

Dans le secteur de l'aviation la pression sur le personnel des compagnies aériennes s’accroissait. Les patrons des entreprises de handling font baisser les normes pour tout le monde. On assiste à une course vers le bas pour les travailleurs, et vers le haut pour les profits des entreprises. Mais les conditions de Ryanair ne sont pas les seules à soulever l’indignation. Ce n’est la partie émergée de l'iceberg, d’une entreprise ouvertement antisyndicale. Il est nécessaire de construire la solidarité dont le mouvement a besoin pour gagner, et arrêter, par exemple, les conflits entre pilotes et personnels de cabine, qui ne bénéficient qu’aux actionnaires.

La grève chez Ryanair est par essence un mouvement gréviste européen, mais il ne dépasse pas la coordination des dates pour un plus grand impact médiatique. C'est une mesure nécessaire mais pas suffisante. Il faut que les travailleurs de Ryanair s'organisent et demandent à leurs syndicats une meilleure solidarité européenne et une coordination des luttes dans le secteur aérien. Au même moment, plusieurs aéroports espagnols ont vécu une grève du personnel de sécurité et dans, au sein de plusieurs pays, les taximen luttent contre l'impact qu’Uber a sur le secteur du transport de personnes.

C'est le moment pour l'ensemble des services liés aux transports et pour les travailleurs du transport de frapper ensemble! A l’inverse, les pilotes irlandais (dans le syndicat FORSA) ont signé un accord sans l’aval ni la consultation de leurs partenaires belges, espagnols ou italiens, ce qui, 750.000sans doute, mine les efforts pour la victoire du mouvement. Organiser les travailleurs d'une entreprise antisyndicale n'est pas facile. Le meilleur outil d'organisation des travailleurs c'est la grève et pour les organiser tous dans une même entreprise ou secteur, il faut faire un usage intelligent des mobilisations sociales. Si chaque branche ou syndicat se désassocie de la lutte générale, il ne fait que l'affaiblir. Le mouvement dans Ryanair doit servir pour ouvrir un débat de fond sur la stratégie syndicale aujourd'hui.

Chez Amazon

Un autre exemple de la nouvelle économie et de la façon dont les capitalistes utilisent les dernières technologies pour augmenter l'exploitation, est la multinationale américaine Amazon.

Des syndicats allemands et espagnols ont appelé mardi 17 juillet à des actions de blocage au niveau européen chez Amazon, à l’occasion de l’opération de promotions « Prime Day », afin de protester contre la pénibilité des conditions de travail. Selon les Commissions ouvrières (CCOO) - qui se revendiquent comme premier syndicat au sein de l’entreprise en Espagne - et la CGT espagnole (le deuxième), 1 200 salariés ont participé au mouvement, soit « environ 80 % » du personnel du centre de San Fernando de Henares (Madrid). Les salariés d’Amazon avaient déjà lancé un mouvement similaire en novembre à l’occasion du « Black Friday » en 2017. Amazon, c'est la preuve que l’on peut organiser la classe ouvrière même dans les multinationales les plus agressives et qui ont recours aux moyens les plus malhonnêtes.

Les maisons de retraite

En février en France une grève inédite des aides-soignantes des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et dans des services d’aide et de soins à domicile a été suivie largement à l'appel d’une intersyndicale (avec le soutien des associations professionnelles et des patients). Près 750.000 personnes âgées sont actuellement placées dans ce type d’établissement. Un Français de plus de 90 ans sur trois est concerné. Etant donné que le nombre de personnes âgées augmente, les bénéfices des groupes privés également. En outre, il y a de moins en moins de maisons de retraites publiques en raison des coupes dans les budgets alloués à la santé et au soin.

La maltraitance et la dégradation des conditions de travail dans les Ehpad et plus largement dans le milieu de la santé est le résultat de décennies d'austérité budgétaire en France et à travers l'Europe. Après avoir donné des centaines de milliards aux banques pour les sauver, les gouvernements européens ont mené une politique d'austérité visant à détruire tous les acquis sociaux obtenus par les travailleurs. Dans un secteur comme les services sociaux, c'est la recette pour l'exploitation des salariés de ses entreprises, Le plus souvent des femmes d'origine immigrée, très mal payées, et, en théorie, très difficiles à syndiquer. Depuis février, la France bouillonne de grèves, et ces mobilisations se diffusent maintenant en Espagne, Belgique et l'Allemagne.

Les deux grands multinationales du secteur (ORPEA et KORIAN) ont réalisé 2.5 milliards de chiffre d’affaires sur le dos des travailleuses, des personnes âgées et de leurs familles. À nouveau, la grève du secteur sert à organiser des milliers des personnes non syndiquées auparavant.

Les coursiers de Deliveroo et UberEat s'organisent

Les 25 et 26 octobre 2018, les livreurs et livreuses à vélo de toute l’Europe, ont décidé de se réunir à Bruxelles pour s’organiser et lutter pour de bonnes conditions de travail pour toutes et tous. Voici un autre secteur où on avait pourtant théorisé l’impossibilité de l'organisation des travailleurs. En fait, le secteur utilise la dérégulation pour permettre une course vers le bas. La soi-disant « gig economy » est un modèle économique de plateformes numériques qui individualise la relation de travail, où les ordres sont reçus via un algorithme directement sur téléphone, et où la rémunération à la tâche fait loi. Cette 'Uberisation' ou McDonalisation n’est ni plus ni moins que l'augmentation de l'exploitation de la classe ouvrière par tous les moyens. Mais chez Uber et McDo on assiste aussi à des grèves et des luttes pour la reconnaissance du livreur comme employé.

Les leçons à tirer

Les organisations syndicales passent chaque année des heures à débattre de « comment organiser » et dépensent des millions d'euros à préparer leur capacité d'organisation dans secteurs où les syndicats ne sont pas présents. Et avec la chute du taux de syndicalisation en Europe, ces secteurs augmentent. Il est donc à la mode de parler de comment organiser les travailleurs. Ce que les récents exemples de grève chez Uber, McDO, Ryanair, Amazon... montrent, c’est que les travailleurs s'organisent mais ont besoin de syndicats de lutte pour les assister lors de leurs mobilisations. Ils n'ont pas besoin de sortir en grève générale de 24h tous les 6 mois pour rendre heureux les permanents, ils ont besoin d'utiliser le meilleur outil à disposition de la classe ouvrière : la prise de conscience de son unité par retrait de la force de travail. Dans cette société, rien ne bouge sans la permission de la classe ouvrière. Mais il faut en prendre conscience et, pour ça, il faut que nos luttes mènent à la victoire et à la plus large mobilisation possible. Ces travailleurs montrent le chemin, nos directions syndicales vont-elles les écouter?

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