Dans notre Manifeste sur la révolution arabe, publié en mars 2011, nous écrivions : « L’économie israélienne est déjà en crise. De nouvelles coupes budgétaires et contre-réformes provoqueront une intensification de la lutte des classes en Israël même.
Netannyahou imagine que son pays est un îlot de stabilité et de démocratie qui ne pourrait pas être affecté par la révolution. Mais au fond, Israël n’est qu’un pays du Moyen-Orient menacé, lui aussi, par la vague révolutionnaire partie d’Egypte et de Tunisie. Il y a de nouvelles contradictions en Israël. L’augmentation des prix du pétrole et de l’eau en fait l’un des pays où le coût de la vie est le plus élevé au monde. »
Cinq mois plus tard, la jeunesse et les travailleurs israéliens se sont mobilisés à une échelle inédite dans l’histoire du pays. Commencée en juillet, la « révolte des tentes » a culminé le 3 septembre dans d’énormes manifestations : 300 000 personnes à Tel Aviv, 50 000 à Jérusalem, 40 000 à Haïfa et d’importants cortèges dans plusieurs autres villes. Au regard des 7,7 millions d’habitants que compte le pays, c’est absolument colossal. Un sondage rapporte que 90 % de la population soutient le mouvement. Cela n’empêche pas des « analystes », dans la presse, d’y voir un mouvement des seules « classes moyennes » ! Or, de toute évidence, ces manifestations sont très largement composées de jeunes, de pauvres, de travailleurs et de chômeurs.
Ce mouvement est un tournant dans l’histoire du pays et de la région. Il marque un changement radical dans l’humeur des masses israéliennes. Pendant des décennies, la classe dirigeante a cimenté la population autour d’elle en agitant le spectre de « l’ennemi extérieur ». Ce faisant, elle était confortée par la stratégie insensée du terrorisme individuel et des tirs de roquettes, de la part du Fatah et du Hamas. Cette prétendue « lutte armée » n’a pas même éraflé l’armure de l’impérialisme israélien. Au contraire, elle lui a fourni les arguments nécessaires pour maintenir la « question sécuritaire » au premier rang de sa politique et de sa propagande. Mais à présent, les Israéliens – arabes et juifs – exigent que les questions du logement, des services publics et du coût de la vie soient mises à l’ordre du jour. Israël est le deuxième pays capitaliste développé le plus inégalitaire au monde, derrière les Etats-Unis.
Combien de fois, en France et ailleurs, a-t-on entendu des militants de la cause palestinienne désespérer des travailleurs israéliens, au point d’affirmer que la lutte des classes est inexistante en Israël et que le pays constitue un seul bloc réactionnaire ? L'Unité Socialiste a systématiquement rejeté ces idées absurdes et souvent plus ou moins imprégnées d’antisémitisme. La société israélienne est divisée en classes sociales, avec des riches et des pauvres aux intérêts inconciliables. Nous expliquions qu’il faudrait de grands événements pour révéler les processus moléculaires à l’œuvre sous la surface d’une société apparemment « stable ». La révolution arabe a agi comme un puissant catalyseur. Et désormais, la population israélienne est polarisée comme jamais. La croissance du petit Parti Communiste israélien en est un symptôme important.
Netannyahou et sa clique sont terrorisés. Ce mouvement de masse remet la lutte contre l’oppression des Palestiniens à l’ordre du jour – y compris en Israël. Toutes les questions sont liées. Les milliards de dollars dépensés dans la « sécurité » ne sont pas investis dans les services publics. De sa prison israélienne, le dirigeant palestinien Marwan Barghouti a appelé à l’organisation d’une manifestation « d’un million de Palestiniens » pour le 20 septembre. Sur fond de révolution arabe, l’éclatement d’une nouvelle Intifada est de plus en plus probable. Ce n’est pas un hasard si Netannyahou a décidé d’armer les colons israéliens, début septembre.
Beaucoup d’Israéliens demandent que les directions syndicales organisent une grève générale de 24 heures, pour commencer. Il faut jeter tout le poids de la classe ouvrière israélienne dans la balance. Netannyahou a annoncé qu’il ne pourrait pas satisfaire la plupart des revendications des manifestants : « les caisses sont vides ». En Israël comme ailleurs, la crise du capitalisme se double d’une crise de la dette publique. Et parmi les jeunes et travailleurs mobilisés, beaucoup comprennent qu’il faut en finir avec le système capitaliste lui-même. Toutes les conditions sont réunies pour une lutte commune des travailleurs juifs et arabes contre le cauchemar du capitalisme dans toute la région. Il n’y a pas d’alternative.
Contre le capitalisme et l’impérialisme israéliens ! Pour une Fédération socialiste du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord !